Mes pas sont lourds et les bruits de mes talons qui claquent sur le macadam m’insupportent. Je veux rentrer mais j’ai bien conscience que la nuit ne fait que commencer. Pour tant je me sens déjà sale, mon sac à main remplit de billets verts pèse beaucoup trop lourd et j’ai ce goût de crasse à l’intérieur de ma gorge. Mes pensées m’ont amené dans une petite ruelle sombre que je ne connais pas et que j’observe avec méfiance. C’est tapi dans l’ombre que je la vois, une jeune fille recroquevillée sur elle-même, les narines pleines de poudre, j’en ai presque pitié mais je ne dis rien. J’enlève mes talons Gucci avec hésitation avant de m’assoir à côté d’elle. Elle ne dit rien, elle m’observe avec insistance et je me mets à soupirer. « J’en ai pas. » Ma voix est froide et cassante. J’ai bien compris ce qu’elle veut, de la coke, de la drogue, de l’extasie. Echapper un tant soit peut à l’enfer dans lequel elle est tombée. Mais ses yeux se mouillent et sous son regard désespéré je lâche prise et lui tend un petit sachet blanc. Sa réaction fut immédiate et je me mets à tourner la tête pour ne pas la regarder. J’ai mal pour cette gamine qui est légèrement plus jeune que moi, qui elle aussi à dû se faire prendre par un connard qui lui promettait de belle chose.

Je me remets à balayer la ruelle des yeux. « Ton mac n’est pas là ? » Elle est jeune et n’a pas l’air d’être sur de ce qu’elle fait, en général, les maquereaux ne laissent pas laisse pas leurs proies sans surveillance. « Il baise. » Sa voix est douce, presque respectueuse et ça me surprend, mais je me mets à rire légèrement. « Tu l’aimes. » Ce n’était pas une question, et elle l’a très bien compris. « Et toi, ça t’es tombé dessus comment ? » Mon souffle se couple et j’ai l’impression de suffoquer. « Je sais pas. » Je ne veux pas lui dire. C’est venu comme ça. Elle ne peut pas savoir.

Elle frôle ma main avant de la serrer dans la sienne et je soupire en baissant les yeux. « Elle s’appelle Abygaëlle. » Ma voix aussi est douce, et ça me surprend. Les yeux de la gamine me fixent et mal à l’aise je continue. « C’était ma seule amie, ma meilleure amie. On était à la fac ensemble. Jusqu’à ce qu’elle.. vienne en cour avec des Gucci. » Je rigole et lui montre les talons que je tiens à la main. « Je savais qu’elle n’avait vraiment pas le fric pour se les acheter. Je savais qu’elle me mentait en disant qu’elle avait eu une augmentation. Puis elle s’est mise à sécher les cours, de plus en plus. » Je m’arrête et ferme les yeux avant de reprendre. « Alors j’ai décidé de venir chez elle a l’improviste et je l’ai découvert avec un homme, la soixantaine, bien habillé. » J’ouvre les yeux et je la vois pleurer, mais je ne dis rien. On a toutes notre propre histoire, plus horrible les unes que les autres. « Elle t’a forcé à te taire, à ne rien dire, à la suivre ? » Je secoue la tête. « Non, .. elle m’a embrasser et .. Elle était douce tu sais ? Dans ses bras je n’avais plus peur, j’avais confiance. Alors je l’ai laissé faire. Je ne voyais pas le mal, c’était ma meilleure amie, on pouvait faire l’amour non ? » Sa main se resserra un peu plus contre la mienne et je voyais qu’elle comprenait de quoi je parlais. « Je fais ça parce que ça lui fait plaisir. Elle aime me voir comme ça. Je fais tout pour elle, même si ça veut dire me prostituer. »

Elle soupire et son ventre peut ordinaire m’intrigue. Elle le remarque rapidement et pose une main maternelle dessus. « Et toi, c’est arrivé comment ? » Elle se met à sourire, elle a l’air heureuse et ça me surprend. « Le père, mon mac, c’est Camille, .. mon grand frère. » Je détourne le regard par reflexe. Je ne suis peut-être pas la plus à plaindre finalement..