Nous sommes à Sydney, en Australie, au mois de décembre. Il faisait plutôt chaud, mon père était sorti pour faire quelques courses pendant que ma mère se reposait à l'étage de notre petite maison. Elle avait ouvert les yeux lentement, avec l'impression étrange de ne pas avoir dormi. Pourtant un coup d'oeil sur l'horloge lui prouva qu'elle venait de faire la sieste pendant plus de deux heures. Se mettant debout, elle soupirait en regardant par la fenêtre La voiture était là, son époux était donc rentré mais il n'avait pas jugé nécessaire de la réveiller. Ce qu'elle détestait ça, qu'il la laisse sans cesse se reposer parce qu'elle attendait un enfant. Elle n'était pourtant pas en sucre. La future maman descendait une à une les marche des escaliers quand sa main vint se poser soudainement sur son ventre. Une douleur atroce, suivit d'une autre, puis encore d'une autre. Par réflexe, elle s'était assis sur les marches d'escaliers, appelant son mari pour qu'il vienne l'aider. Le bébé ne pouvait pas arriver maintenant, il n'était prévu que pour dans trois semaines... Pourtant les douleurs se rapprochaient, ils prirent alors la voiture, direction l'hôpital.

Bien que j'étais née avant l'heure, j'étais en bonne santé. Aucun problème, rien qui ne pouvait inquiéter les médecins ou mes parents. Plusieurs jours passèrent puis mes parents ont pu me ramener chez moi où j'étais pour l'instant la seule enfant. J'étais surement la petite fille la plus chanceuse du monde : nous avions de l'argent, j'étais aimée, je ne manquais de rien et mes parents allaient me donner une petite soeur. J'avais à peine deux ans lorsque je vis le ventre de ma mère s'arrondir. Mes parents m'expliquèrent alors qu'un autre bébé arriverait bientôt à la maison ce que j'avais du mal à comprendre pour mon jeune âge. Un jour où je jouais dans ma chambre, mon père vint me prévenir qu'on devait aller d'urgence à l'hôpital parce que le bébé était enfin arrivé. Quelques jours plus tard, ma mère rentrait à la maison avec ma petite soeur. Au début, j'étais assez jalouse d'elle, évidemment mes parents passaient un peu plus de temps avec le bébé. Ils ne me délaissaient pas pour autant mais quand même trop à mon goût.

Nous grandissions toutes les deux, très proches l'une de l'autre, rien ne pouvait nous séparer. J'étais perdue sans elle et déjà, dès mon plus jeune âge, je voulais la protéger. Empêchant certains enfants de l'approcher de peur qu'on ne me prenne ma soeur. J'adorais passer mon temps dans la boutique de mes parents quand je n'étais pas avec ma soeur, passant mes journées à faire des bêtises; comme tous les enfants. Pourtant la période où je faisais n'importe quoi allait déjà prendre fin d'ici quelques années. A nouveau le ventre de ma mère s'arrondissait, j'avais maintenant 7 ans et je comprenais ce qui se passait. De nouveau j'allais avoir un petit frère ou une petite soeur. Je préférai avoir une petite soeur, de mon jeune âge, pour moi les garçons étaient tous méchants. Puis au bout des neufs mois, j'eus la chance d'avoir une seconde petite soeur comme je l'avais espérée. Pas que si j'avais eu un petit frère je l'aurais détestée mais quand même. Voilà donc la troisième et dernière enfant de la famille Owland.

J'avais neuf ans, mes deux petites soeurs et moi-même étions très proches. Mes parents étaient toujours là pour nous mais ils étaient différents. Moins joyeux que d'habitude, moins heureux. Un soir ma mère m'appelait alors que j'étais sur le point d'aller me mettre au lit, elle me demanda de venir puisqu'elle avait quelque chose d'important à m'annoncer. C'est alors qu'elle m'apprit tout, sa maladie.. Une tumeur au cerveau qui allait nous gâcher la vie à tous. Elle m'expliquait ce que cela voulait dire, ce que ça impliquait. Elle venait de m'apprendre qu'elle allait mourir dans quelques mois. Vivre avec ça aussi jeune était impossible. Pourtant je le faisais, je le gardais pour moi comme me l'avait demandé mes parents, m'éloignant peu à peu de mes deux petites soeurs. Elles auraient mal quand l'heure sera venue, j'aurais mal moi aussi. Mais j'allais avoir le temps de m'y habituer... Pourtant j'étais encore jeune, j'espérais donc que rien ne se passerait, je priais chaque jour. Jamais je n'ai pu m'habituer à cette idée.

Quelques mois passèrent, ma mère était toujours là, je pensais que plus rien ne lui arriverait. Plus rien, non. Mes parents venaient de décider de prendre quelques jours de vacances, ils fermeraient alors leur petite boutique de souvenirs et nous partirons nous reposer non loin de chez nous. J'étais dans ma chambre, en train de finir de ranger quelques affaires m'appartenant. Puis prenant ma petite soeur avec moi, j'allais dans la chambre de Kailee qui était en train de prendre elle aussi, quelques affaires. Mes parents n'étaient pas à la maison ce jour-là, ils étaient à la boutique en train de régler quelques petites choses. Des amis nous surveillaient pourtant je vis mon père débarquait en courant, en larme, dans la chambre. A ce moment là, j'eus l'impression que mon coeur allait lâcher. j'avais compris. Plus jamais je ne verrai ma mère, plus jamais je n'appellerai quelqu'un maman. Mon père sortit alors les quelques mots que je redoutais. Kailee comprenait surement, Katherina était trop jeune, moi j'avais compris depuis longtemps et j'étais détruite. Complétement détruite. Notre belle petite famille venait d'exploser, plus rien ne serait comme avant.

J'ai maintenant onze ans, cela fait déjà plusieurs mois qu'on était arrivé ici à Long Beach, chez mon oncle et ma tante : Courtney et Ben. Je n'avais plus souris depuis cette terrible annonce, j'étais brisée, je restais pourtant la même. Mais les relations avec mes petites soeurs s'étaient dégradées. Surtout avec Kailee qui me reprochait de ne pas l'avoir mis au courant pour la maladie de notre mère. Ne pouvait-elle pas comprendre que je ne pouvais pas ? Je lui avais fait la promesse de ne rien dire, je ne pouvais pas mentir à ma mère ou faire le contraire de ce qu'elle me demandait. Puis, elle avait été protégée en ignorant tout, elle n'avait pas souffert chaque jour en se levant, se demandant si ce matin elle trouverait sa mère assise à table avec eux. Moi, si. Chaque matin je me levais, avec des maux de ventre, des noeuds dans la gorge... Je descendais en priant pour voir le sourire de ma mère, en bas, en train de se préparer pour sa journée. Si Kailee avait été au courant, elle n'aurait pas été heureuse pendant ces plusieurs mois, et ça, personne ne l'aurait voulu. Mais nous oublions tous sans doute Katherina. La pauvre, elle n'aura pas connu notre mère aussi bien que nous. Elle n'aura pas connu cette merveilleuse femme et maman, non, elle n'avait surement aucun souvenir d'elle, elle était beaucoup trop jeune. C'était donc avec ces mêmes pensées que je vivais chaque jour.

En grandissant les relations avec ma soeur ne s'arrangeait pas du tout. Avec mon autre soeur j'étais très protectrice, je ne voulais que rien ne lui arrive. Kailee était devenue la pire des pestes. Rien à voir avec la petite fille qu'elle était et je devais avouer que ma petite soeur me manquait. Pourtant si les premières années j'essayais de le lui faire sentir, j'avais vite abandonnée cette idée. Je me contentais de vivre comme je le pouvais, j'allais en cours, je rentrais chez moi, je travaillais, je m'occupais un peu de ma petite soeur puis je passais le reste du temps dans ma chambre. A vrai dire, je détestais sortir, je n'étais pas vraiment du genre sociable, ne souriant jamais, on venait rarement vers moi.

C'est à seize ans que je commençais à vivre de nouveau. Je venais de rencontrer quelqu'un avec qui tout se passait extrêmement bien. Il m'avait fait retrouver le sourire ce que je n'avais pas fait depuis trop longtemps. Mon père me répétait souvent qu'il était heureux de me voir sourire de nouveau mais qu'il aurait aimé que ses trois petites filles soient unies, ce qui le rendrait réellement heureux. J'étais bien décidé à me réconcilier avec Kailee, la guerre avait déjà trop durée et il fallait que notre père soit heureux. Il le méritait plus que tout. Sauf qu'avec Kailee rien ne semblait s'arranger. Nous continuions notre guerre a toujours essayer de faire que Katharina soit avec l'une et pas l'autre. La pauvre, elle se retrouvait au milieu de nos histoires alors qu'elle n'y était pour rien.

Si les deux pires journées de mon existence étaient celle où ma mère m'avait annoncé sa maladie & celle où mon père m'avait annoncé sa mort, une troisième journée allait me marquer. Ce n'était pas n'importe quel jour, celui de mon anniversaire, je venais d'avoir 18 ans. Je pensais que rien ne pourrait gâcher cette journée, je ne pensais pas Kailee capable de me faire un coup pareil. C'était ma petite soeur, nous avions toujours été proche même si ces dernières années ce n'était pas le cas. Pourtant, elle venait de me briser. Pour la deuxième fois en 18 ans, j'étais complétement brisée, complétement perdue. Qu'avait-elle bien pu faire ? Elle venait d'embrasser devant tout le monde mon petit ami, m'annonçant qu'ils étaient ensemble depuis un mois. J'étais partie, rentrant chez moi, en larme. C'est pas possible, quel genre de soeur pouvait faire ça ? Quel genre d'homme pouvait faire ça ? Dire que je ne m'étais rendue compte de rien. Dire qu'il parlait fiançailles.. J'étais bête. Mais plus jamais je ne me laisserai avoir.

Les jours passaient, j'attendais des excuses de la part de Kailee mais rien. Elle n'avait aucun remord, rien. Je la haïssais autant que je l'adorais quand j'étais petite. Chaque fois que je la croisais, je voulais me jeter dessus pour l'étrangler, la tuer, faire ce qu'elle m'avait fait : me briser. Pourtant jamais je n'aurai levé la main sur elle, même si elle aurait mérité une bonne gifle. Quant à Katherina, elle était du côté de Kailee, disant que ce n'était pas de sa faute mais la faute de mon ex petit ami. Enfin, ma soeur savait très bien manipuler les gens et Kath était très simple à manipuler vu son jeune âge. Un soir, alors que ma tante rentrait du boulot, j'allais la voir. Tout le monde dormait, mon père ne se couchait jamais tard et mon oncle qui ne travaillait pas se couchait et se levait à l'heure qu'il voulait. Quant à elle son boulot d'avocate lui prenait pas mal de temps, elle rentrait souvent assez tard. C'était un peu comme ma seconde mère, même si personne ne remplacerait ma vraie mère, elle nous avait également élevée afin d'aider mon père. Je lui expliquais la situation et je lui demandais de l'aide pour me trouver un logement. L'argent ne manquait pas à la maison, ma famille avait hérité d'une belle fortune ce n'était donc pas ça le problème, c'est juste que je voulais quelque chose de pas trop loin afin de pouvoir rendre visite à mon père, mon oncle et ma tante régulièrement. Elle m'aida, deux semaines plus tard, j'avais mon logement. Un petit appartement tout simple, je ne voulais rien de plus pour l'instant.

Quand j'ai appris à mon père que je souhaitais quitter la maison, il n'en fut pas heureux. Un moment même il me l'avait interdit, disant que j'étais trop jeune et que ma mère n'aurait jamais laissé faire ça. Mais au bout de quelques heures, après une engueulade, il revint sur sa décision. De toute façon, j'aurai déménagé quoi qu'il dise, je ne pouvais pas vivre avec Kailee. C'est alors mon oncle et mon père qui m'ont aidé à m'acheter le nécessaire et à m'aider à déménager. Ma tante était trop occupée, pour Kailee la question ne se posait même pas quant à Katherina, je crois qu'elle était en colère. Après la mort de notre mère j'avais fait en sorte d'être toujours là pour elle mais là je l'abandonnais. J'avais été forcé de grandir avant l'âge, j'étais au courant de choses qu'une enfant de neuf ans était censée ignorait, j'ai été confronté à la mort jeune... Vivre seule n'était donc pas un problème. Je n'étais pas du genre à lancer l'argent par les fenêtres, à faire la fête jusqu'au matin ou à boire.

J'ai alors commencé des études de droits pour devenir avocate, comme ma tante. Pourtant ce métier ne me plaisait pas, je le remarquais puisque je ne prenais aucun plaisir à travailler. Au bout d'un an, j'ai arrêté ne voulant pas faire quelque chose qui ne me plaisait pas. L'idée de tenir une boutique m'avait effleuré l'esprit, pourtant non, je ne voulais pas. J'ai alors commencé des études de psychologie, ce qui me plaisait pas mal. Ma vie se résumait à cette époque au cour. Je rendais visite à mon père toute les semaines et je voyais presque tous les jours Katharina, avec qui les relations étaient bien meilleures. C'est donc à l'âge de 25 ans que j'ai été diplômé en psychologie pour par la suite devenir psychologue scolaire. Étrangement je n'eus aucun mal à trouver un emploi. Cela va faire deux ans que j'ai un emploi stable, j'ai emménagé dans une maison, mon appartement devenant trop petit puisque j'avais quelqu'un. D'ailleurs j'ai connu ce quelqu'un alors que je n'avais que 22 ans, j'ai mis énormément de temps avant d'officialiser notre relation et avant de le présenter à ma famille, la peur que Kailee recommence. Cela va faire également deux ans que je l'ai présenté à toute la famille, il semble bien s'y sentir et je crois que cette fois-ci je peux avoir confiance en lui, de toute façon, je garde un oeil sur Kailee, au cas où.